jeudi 16 avril 2015

La fin

Apparaît un personnage haut en couleurs. Chausses de cuir aux pieds et jambes prises dans de confortables braies de laine bouillie brunes, il porte en outre une chemise de lin teintée de bleu et de vert pimpant. Autour de ses épaules est passée une cape de laine bouillie brune retenue par une petite broche argentée en forme de feuille de chêne. Son chef est couronné par un ample mais étroit chapeau à bords recourbés couleur de pré fraîchement coupé. Entre ses mains repose une vièle dont il frotte pensivement les cordes de son archet pour en jauger le son.

Troubadours, Berlin, XIVe siècle
Chers lecteurs, le bonjour. C'est aujourd'hui Félix le trouvère qui prend la parole... Hélas non pas pour vous régaler des pérégrinations d'une quelconque divinité authentique ou bâtarde, mais plutôt pour vous annoncer la conclusion d'une histoire. 
Vous l'aurez sans doute compris en lisant l'article de Quentin, mais le fait est que le projet tuteuré qui a conduit à la création de ce blog touche à sa fin. Inutile de nous voiler la face, ceci implique que ni mes collègues ni moi n'aurons l'opportunité de poursuivre la rédaction d'articles pour la simple et bonne raison que nous allons être trop occupés par nos perspectives professionnelles respectives dans les métiers du livre.

Mais baste de lamentations ! Nous ne sommes pas dans une tragédie grecque, que diable ! 
Nous espérons donc que vous avez pris autant de plaisir à lire nos bafouilles (comme diraient nos cousins outre-Atlantique) que nous en avons pris à les écrire, et que nous sommes parvenus à vous convaincre de notre vision des choses quant au rapport entre mythologie et imaginaire contemporain
En ce qui me concerne, il ne s'agit pas de réfléchir en terme d'inspiration, de plagiat ou de la pertinence de telle ou telle croyance par rapport à une autre. Une légende fait certes partie d'un contexte mythologique précis, mais il s'agit surtout d'une structure vivante qui évolue selon son environnement et son auditoire puisque son but premier est didactique : respect des dieux, apprentissages des valeurs d'une société et de ses dangers, etc. A partir de ce postulat, peu importe le média et les effets de manche utilisés, puisque l'auteur/réalisateur/artiste utilise des thématiques et des symboles évocateurs ; le reste ne dépend que de son adresse et du message qu'il souhaite véhiculer (si tant est qu'il en ait un).

Bientôt le chant du coq, il est temps de nous quitter. Je vous dis donc adieu, et je vous demande humblement une salve d'applaudissements pour Quentin, Fiona, Charlène, Mélanie, Vincent, Albin, Damien et moi-même, comme il sied à des comédiens au moment du tomber du rideau.
Puissiez-vous à votre tour perpétuer les mythes !

Le trouvère sourit, s'incline profondément et balaie le sol de son chapeau avant de le remettre gaillardement sur sa tête. Après quoi, il se détourne et s'enfonce tranquillement dans la brume qui s'est levée d'on ne sait où, jouant sur son instrument un air où l'on peut reconnaître les premières mesures de « The Bells » de Phil Ochs...

jeudi 9 avril 2015

Le Sang de l’Olympe (Héros de l’Olympe tome 5), Rick Riordan

S’il devait mourir, il mourrait en fils de Jupiter, en enfant des dieux – le sang de l’Olympe. Mais il n’était pas près de se laisser sacrifier, en tout cas, pas sans se battre.

Dans cette toute dernière chronique (le projet Chroniques des Panthéons touchant à sa fin), nous revenons sur Le Sang de l’Olympe de Rick Riordan, dernier tome de la deuxième série de romans se déroulant dans l’univers de Percy Jackson, sorti le 11 mars dernier. Dans cette grande saga en dix tomes, destinée à la jeunesse, nous suivons les aventures d'un groupe de demi-dieux, descendant des dieux de l'Olympe, dans un univers fortement inspiré par la mythologie gréco-romaine.

Résumé : Gaïa, la Terre-Mère, est sur le point de s’éveiller. Obéissant à la prophétie des Sept, Percy, Annabeth, Jason et leurs amis doivent impérativement se rendre à Athènes pour y défaire l’armée de Géants de la déesse et empêcher son éveil. Parallèlement, Reyna et Nico doivent apporter la statue de l’Athéna Parthénos à la Colonie des Sang-Mêlé pour mettre fin à la guerre entre les demi-dieux grecs et romains.
Pour guérir les dieux de l’Olympe déchirés par cette guerre et éviter la destruction du Monde, l’un de ces héros devra mourir


Les plus :
- Un dénouement à la hauteur des attentes.
- Des personnages toujours aussi attachants.
- L’humour et le suspense, deux éléments-clefs de la saga, sont toujours présents.
- Rick Riordan ne copie pas simplement la mythologie grecque en y apportant une touche d’humour, il la réinvente complètement.
- L’absence de chapitre écrit du point de vue de Percy, permettant à d’autres personnages (Reyna, Nico) de prendre une ampleur inattendue.

Les moins :
- L’absence de chapitre écrit du point de vue de Percy : il est notre héros à tous, tout de même.
- Le schéma un chapitre = une péripétie (monstre, dieu, objet…) peut finir par en agacer certains, bien qu’il s’agisse du schéma utilisé depuis le début de cette saga en dix tomes.
- Albin Michel : plus qu’une couverture kitsch, l’édition laisse parfois à désirer.


Tellus (allongée), la version romaine de Gaïa, la Terre.
Dans la mythologie grecque, Zeus et ses frères renversèrent les Titans, dont leur père Chronos, et le règne des dieux put ainsi débuter. Gaïa, la Terre, outrée par la victoire de ses petits-enfants, décida de les remplacer par ses autres fils, les Géants. De rudes et nombreux combats s’enchaînèrent mais les dieux de l’Olympe en sortirent vainqueurs. Cet épisode de la mythologie, la Gigantomachie, est le point de départ de la série Héros de l’Olympe. Mais Rick Riordan ne fait pas que recopier et transposer les mythes à notre époque : il les retravaille, en donne sa vision, et s’appuie sur certains éléments pour surprendre agréablement le lecteur. Je pense notamment, sans dévoiler la fin du roman, à la manière dont Gaïa est battue : l’idée est d’une telle logique lorsque l’on connaît un peu la Mythologie, qu’elle en devient absolument brillante. La guerre entre demi-dieux grecs et romains (absente de la Mythologie) déchirant la personnalité des dieux, est également un ressort intéressant pour l’intrigue.

Athéna affrontant le géant Encélade
(500 avJC)

Riordan reprend dans ce dixième tome une recette qui fonctionne depuis maintenant autant d'années : il mélange avec habileté toutes les formes d’humour existantes (on va du simple jeu de mots au sous-entendu compréhensible uniquement par un adulte, en passant par des situations cocasses), humour contrebalancé par des situations dramatiques où le suspense devient parfois insoutenable. Les personnages sont toujours aussi attachants et ce dès les premières pages, les chapitres écrits de leur point de vue accentuant notre empathie pour eux. Même Gleeson Hedge, le satyre un peu lourd, devient sympathique dans ce final.


A propos des points de vue, on ne retrouve aucun chapitre correspondant à celui de Percy. Ce n’est pas utile car il n’est pas le personnage principal de cette série mais tout de même, il restera notre héros à tous et cette absence laisse comme une sensation de manque (pour ceux qui n’ont jamais lu cette série, c’est comme si l’on enlevait Iron Man dans Avengers). Cependant, certains personnages peuvent ainsi prendre une ampleur inattendue : Reyna et Nico tirent vraiment leur épingle du jeu.

Le gros point négatif de ce roman est à mon avis son édition. Outre la couverture ultra-kitsch mais finalement peu gênante dont nous gratifie Albin Michel, le texte regorge de fautes plus ou moins graves, de passages où les personnages n’ont pas le bon prénom (pendant plus d’une page, Reyna parle de son enfance avec sa sœur en appelant cette dernière… Reyna) et de notes de bas de page aux commentaires douteux. Bref, des fausses notes rendant la lecture par moment désagréable alors que le roman est de très bonne qualité.

Le Sang de l’Olympe conclu donc à merveille cette seconde série. Mais est-ce la fin des aventures de ces demi-dieux ? Le roman ne répond pas à toutes les questions, lance de nouvelles pistes qui conduiront probablement les personnages vers de nouvelles aventures toujours aussi bien ficelées, hilarantes et mythiques.

Quentin.

jeudi 2 avril 2015

Valkyrie Profile

Valkyrie Profile, jeu de PS1 sorti en 1999. 

Valkyrie
 Le jeu est d'abord paru au Japon seulement, avant d'être réédité en 2006 sur la PSP. Durant la même année est sorti le deuxième opus Valkyrie Profile 2 : Silmeria sur PS2 cette fois en sortie mondiale. La sage a ainsi pu acquérir une certaine notoriété. 
Il s'agit d'un RPG (jeu de rôle, comme Final Fantasy, Dragon Quest..) assez original. Il est classé parmi les jeux les plus cultes dans ce style, grâce à des idées novatrices et une influence très forte de la mythologique nordique. Il a été crée par Tri-Ace, à qui l'on doit Star Ocean, ainsi que la série vidéoludique des Tales of... 
On plonge dans un jeu épique et dramatique, avec une histoire assez sombre. Tout commence par le réveil de Lenneth, la valkyrie en charge des guerriers morts au combat, qui est convoquée au Valhalla par le dieu Odin lui-même. Le Ragnarök (la fin du monde et son recommencement) est annoncé et il faut se préparer pour ce grand jour qui sonnera le début de la dernière guerre entre les dieux et les démons. Nous sommes ainsi guidés dans la salle de trône du palais des Dieux par Freya, une autre Valkyrie. Lenneth se voit alors confier une mission très importante : se rendre sur Midgard, le monde des hommes, à la recherche d'âmes valeureusement et courageuses pour les entraîner et les envoyer au combat au Ragnarök. 
Odin
Nous sommes accompagnés par Freya pour nous guider à la fois dans le jeu et dans l'histoire. Et c'est à partir de ce moment que l'on se détache des RPG classique. D'ordinaire, on part à l'aventure et on recrute des compagnons au fur et à mesure pour accomplir une quête. Le principe est à peu près le même, sauf qu'il s'agit d'aller chercher des compagnons qui vont mourir pour récupérer leurs âmes. Ensuite il faut les entraîner, on s'y attache du fait de leur personnalité ou de leur histoire, et on peut choisir ou non de les envoyer à Odin. Mais il est fortement recommandé de les lui envoyer pour pouvoir gagner la guerre, et il faut donc que le joueur trouve le bon équilibre entre affection et pragmatisme à leur égard. On va ainsi chercher les âmes en perdition en volant au-dessus du monde, telle une ase (déesse) nordique.
Le jeu est composé de 8 chapitres, réparti en périodes pour trouver ces guerriers divins : les Einherjar. Le temps est limité car chaque action possède une valeur en périodes. Nous sommes ensuite libres d'envoyer tel ou tel guerrier vers Odin. A la fin de chaque chapitre, Freya nous convoque pour faire une synthèse des guerriers que l'on a envoyé, de la façon dont évolue la guerre et quel est l'impact de ceux que l'on a déjà envoyé. Les actions sont donc assez libres. Le joueur n'est pas vraiment orienté, ce qui peut déstabiliser certains. De plus, si on échappe à notre devoir, on peut se faire réprimander par Freya.
Freyja (Freya)
Le jeu possède trois niveaux de difficultés, impliquant trois fins différentes, notées A, B et C. Selon les actions que l'on exécute, on arrive à une fin différente. La fin la plus intéressante est la première car elle permet d'avoir une pleine conscience de la profondeur de l'histoire avec des éléments supplémentaires sur la vie de Lenneth, mais il faut suivre un chemin précis pour y accéder. Les deux autres sont assez décevantes et ne nous permettent pas de voir toute l'ampleur de ce RPG. Il est conseillé de prendre le mode 'normal' pour profiter pleinement du jeu. 

Ce jeu est fortement imprégné de mythologie nordique. Rien que par le scénario du jeu, on reconnaît déjà quelques noms connus. Pour commencer avec les lieux, on distingue d'abord Asgard, qui représente le monde des dieux. On a ensuite le Valhalla, le « paradis » des Vikings, qui est l'endroit où les âmes des valeureux guerriers sont amenés
Puis nous avons Odin, le père des Dieux et des hommes, que l'on voit siéger fièrement sur son trône d'où il peut observer tous les mondes et voir les agissements de tous. Avec son épouse Frigg, ils forment la race des Ases. Parmi les plus glorieux de cette race, on en retrouve deux dans le jeu : Freyr (Frei) et Freyja (Freya). On a ensuite Loki, le dieu de la Discorde qui peut user de diverses métamorphoses pour ses perfidies. On devine ses intentions malveillantes au cours du jeu.
Nous avons ensuite la présence des Valkyries, les vierges guerrières aux longs cheveux blonds, vêtues de robes et d'armures. Malgré leur grâce, elle n'en restent pas moins sanguinaires en s'enivrant de la vision de sang, allant même jusqu'à tuer elles-même les guerriers pour récupérer leurs esprits. On raconte aussi que derrière leur chevauchée se formeraient des lueurs étranges que l'on appelle aurore boréales. Dans le jeu, on retrouve trois Valkyries, dont Lenneth, puis Silméria la plus jeune et enfin Hrist, l'aînée. Seule cette dernière est présente parmi les valkyries connues de la mythologie. Les deux autres sont des libertés prises par l'éditeur du jeu.
Ragnarök
Elles se préparent ainsi pour le Ragnarök. On l’appelle aussi le « Crépuscule des Dieux ». Il s'agit d'une guerre entre les différents camps de divinités pour un affrontement final qui fera disparaître le monde, pour ainsi par la suite qu'il puisse mieux renaître. 
On retrouve aussi l'anneau des Nibelungen, qui est un objet maudit forgé par les Nibelungen, un peuple de nains et qui a entre autre inspiré de nombreux films ainsi que des pièces d'opéra. Lenneth le porte durant le jeu et qui prouve sa loyauté envers Odin. Et si on l'enlève, les capacités de la valkyrie peuvent être réduites. 

Valkyrie Profile est un jeu qui mérite sa renommée, avec un style de jeu intéressant. Rien que par la gestion des guerriers. On a aussi une suite de donjons, que l'on prend plaisir à explorer, et qui se rapproche d'un Castlevania. La musique est à la hauteur de ce jeu. Elle a été faite par Motoi Sakuraba, un grand compositeur qui a fait de nombreuses OST pour des jeux vidéos. Le système de jeu inclut du tour par tour, comme dans tout RPG classique, mais il rajoute un système de combo innovant. Malgré quelques combats répétitifs, on prend plaisir à immerger dans l'histoire divine de Lenneth.

 Sur ce, à bientôt, au Valhalla !
 Mélanie.

jeudi 26 mars 2015

Age of Mythology

Littérature, peinture, cinéma,… autant de domaines artistiques dans lesquels la mythologie a pu s’immiscer et influencer un certain nombre d’œuvres. Le secteur du jeu vidéo n'est pas davantage épargné et s’appuie sur différents mythes pour le développement d’un personnage, d’un scénario et/ou d’un univers. C’est le cas, par exemple, de God of War, Titan Quest ou Zeus : Le Maître de l’Olympe. Mais un autre jeu qui illustre parfaitement cette incursion du genre mythique dans le monde vidéoludique est Age of Mythology.


Age of Mythology, par Diabolus

Sorti en 2002, Age of Mythology est un jeu de stratégie en temps réel dont le principe est calqué sur celui de la célèbre franchise des Age of Empires. Rien d’étonnant à cela puisque les développeurs sont les mêmes : l’Ensemble Studios. Les qualités et caractéristiques de la saga des Age of Empires se retrouvent d’ailleurs ici, puisqu'on retrouve la possibilité de personnaliser sa partie, de faire une campagne en solo ou encore de jouer en multijoueurs. Le principe du jeu reste également identique : collecter des ressources, construire des bâtiments, créer son armée et battre les antagonistes virtuels ou humains.


 

La campagne met en scène à travers 32 scénarios, l’atlante Arkantos (personnage inventé pour l'occasion) devant remplir diverses missions pour le compte des dieux. Ces missions l’amèneront entre autres à partir en quête du trident du dieu marin Poséidon,  à seconder Agamemnon durant la guerre de Troie, à réunir les parties du corps d’Osiris démembrés par son frère Seth, ou encore à lutter contre le dieu nordique Loki. Pour cette aventure, Arkantos est aidé par de célèbres personnages mythologies comme le centaure Chiron, le guerrier grec Ajax , le fameux Ulysse ou encore les nains Brokk et Eitri. Cette campagne permet au joueur de se familiariser avec les trois civilisations présentes dans le jeu, à savoir les grecs, les égyptiens et les scandinaves. Chacune de ces civilisations offre la possibilité de vénérer un dieu principal donnant ensuite accès à des dieux secondaires. Chacun de ceux-ci débloque des pouvoirs, des bonus et des unités mythologiques qui leurs sont propres. Les dieux majeurs sont : Zeus, Hadès et Poséidon pour les grecs, Râ, Isis et Seth pour les égyptiens et Odin, Thor et Loki pour les scandinaves. 


Béllérophon
Les références mythologiques ne s’arrêtent pas aux dieux et sont présentes aussi par l'intermédiaire de nombreuses unités issus des bestiaires légendaires. On ne les citera pas toutes ici mais on peut évoquer par exemple les minotaures, les hydres,  les sphinx, les momies, les valkyries (qui je le rappelle sont des psychopompes(1) nordiques emmenant les esprits des guerriers défunts au Walhalla), les trolls... La liste est longue. La civilisation grecque permet en outre la création de héros comme Hercule ou Bellérophon (chevauchant le cheval ailé Pégase).
Cerise sur le gâteau, des reliques sont éparpillées aléatoirement sur les cartes et, une fois placées dans un temple, accordent à son détenteur un bonus. Ces reliques portent également  des noms célèbres : Anneau de Nibelung, Boîte de Pandore, Œil d'Horus...


Cette accumulation de références permet l'immersion du joueur dans cet univers de mythesdieux, hommes et créatures magiques s'affrontent dans des batailles épiques. Malgré un âge déjà avancé (2002), ce jeu vidéo vieillit bien et le plaisir de jouer demeure intact. A sa sortie, celui-ci avait d'ailleurs connu un fort succès à la fois critique mais également commercial. L'année suivante, Ensemble Studios a développé une extension intitulée The Titans. Cette dernière contient une civilisation supplémentaire, les atlantes, et la faculté de donner vie à un Titan, ces fils de Gaïa et d'Ouranos dans la mythologie grecque. En 2008, une version au tour par tour d' Age of Mythology a vu le jour sur Nintendo DS.

A découvrir ou à redécouvrir...

Damien

(1) Psychopompe : divinité conductrice des âmes des morts.

jeudi 12 mars 2015

Les inspirations mythologiques de J.R.R. Tolkien

Si vous désirez en savoir plus sur les éléments mythologiques qui ont inspirés ce célèbre auteur, Marguerite Mouton, agrégée de Lettre modernes et docteur en littérature générale et comparée, présente la conférence "A l'écoute des résonances mythologiques dans l'oeuvre de J.R.R. Tolkien" le jeudi 19 mars à 20h30 à la bouquinerie les Yeux d'Elsa (115 Cours de la République, 76600 LE HAVRE).  

John Ronald Reuel Tolkien est principalement connu pour avoir écrit Le Hobbit et Le Seigneur des Anneaux mais il est l’auteur de nombreux ouvrages de diverses natures (poésie, essais, contes et nouvelles). 
Au 18e siècle et à l’époque du romantisme, de nombreuses traductions des anciens mythes et légendes sont proposées dans différentes langues. Bon nombre d’écrivains sont alors inspirés par ces thèmes et Tolkien ne dérogera pas au mouvement.
En effet, cet auteur à qui on reconnaîtra ensuite une mythologie à part entière (« tolkienienne »), s’est lui-même inspiré de mythes et de légendes.

La première inspiration qui semble sauter aux yeux est le mythe de l'anneau de Nibelung qui apparaît dans la Völsunga Saga. En effet,  le chevalier Siegfried est le héros de la Chanson des Nibelungen et il appartient au clan Volsung dont l'histoire est contée dans  la Völsunga Saga. Il s’agit d’une saga légendaire nordique prenant ses sources de textes plus anciens, comme l'Ancienne Edda. C'est une histoire d'aventures, d'amour et de tragédie qui a influencé d'autres légendes, notamment l'épopée médiévale allemande Nibelungenlied. La légende de Sigurd et Gudrun, écrite par Tokien en est directement inspirée.

Le Kalevala est une épopée composée au 19e siècle sur la base de poésies populaires de la mythologie finnoise. Tolkien a basé son personnage de Turin Turambar sur Kullervo, un des héros du Kalevala. L’auteur a également créé la langue utilisée dans son œuvre, le Quenya, à partir du finnois.

Quelques éléments sont également repris des légendes Arthuriennes tout au long du Seigneur des anneaux. Le tandem Gandalf-Aragorn fait par exemple écho à celui de Merlin et d'Arthur.

Le poème épique Beowulf, un texte majeur de la littérature anglo-saxonne, a servi d'inspiration dans plusieurs passages de l’œuvre de Tolkien. Par exemple, Grendel, monstre de marécages, a inspiré certains des aspects de Gollum. Le vol de la coupe du dragon qui incendie ensuite un village est également un épisode tiré de Beowulf que l’on retrouve dans le Hobbit. L’arrivée fracassante d'Aragorn, Legolas, Gimli et Gandalf au Château d'Or du Rohan rappelle l’arrivée de Beowulf à la cour du roi Hroögar.

John Tolkien s’est aussi inspiré de certaines créatures mythologiques pour construire son univers.

Tout d’abord, les Elfes. Ce sont des créatures originelles de la mythologie nordique, ils sont liés à l’air. Ils vivent dans un ciel particulier nommé Alfheim.
Selon l’Edda il y a deux sortes d’Elfes : les Elfes lumineux qui sont rattachés au ciel, à la fertilité et la lumière et les Elfes noirs, reliés à la terre, à la forge, et qui résident dans un monde souterrain (Svartalfheim) en tant qu’espèce de Nain à part entière.
Eru Illuvatar est chez Tolkien la divinité qui a insufflé la vie aux Elfes, et la lumière est un symbole essentiel de la représentation du bien, de la beauté. En effet, les Elfes selon la mythologie tolkiennienne se sont éveillés sous les étoiles de Varda, créées pour eux en guise de bienvenue. De cet émerveillement originel est née l’adoration des Elfes pour Elentari, la Reine des Étoiles.
Les Noldors, elfes créés par Tolkien, ont une passion pour la joaillerie, la construction d’immenses cités souvent encaissées dans les montagnes, ou bien le travail du cuir ce qui permet de les assimiler aux elfes noirs.
Selon les cultures, l’elfe peut s’apparenter à un minuscule génie de la nature (Danemark), un être semi-divin (Scandinavie), un esprit malin (Allemagne), ou encore une fée (Angleterre). Cependant, ces représentations ont été bousculées par la vision qu’a donnée Tolkien des elfes : des êtres supérieurs, plus évolués que les hommes, d’une beauté unique et immortels.


Les Nains voient leur origine dans la mythologie viking et on les retrouve dans la Völuspa, un passage de l'Edda Poétique. Le premier Nain a été créé par Odin qui a aussi conçu la Terre et les a changés en êtres intelligibles puisqu’ils étaient jusqu’ici à l’état de larves. Contrairement aux Nains de la mythologie, ceux de Tolkien vivent sous terre, notamment sous la montagne. De nombreux Nains de l’univers de l’auteur empruntent leur nom à l’Edda : Durin, Thorin, Thror (Thor), Dain, Ori… Seul Gimli tire son nom d’un lieu : Gimlé, là où les hommes vertueux vivraient après la fin du monde.

Les Orques (ou Orcs) sont chez Tolkien la matérialisation la plus commune du mal. "Orc" signifie "démon" en vieil anglais. Le mot provient de la divinité infernale latine Orcus, représentée comme un géant barbu sur les fresques funéraires romaines et qui est directement associée à la mort. En français, le mot est devenu "ogre". 

Cependant, même si les légendes sur de telles créatures pullulent, le concept d’Orque comme étant une race précise d’êtres démoniaques ne naît qu’avec l’œuvre de Tolkien. 




Charlène et Fiona.  


                                     

jeudi 5 mars 2015

Le Lion de Macédoine - David Gemmell

Bonjours à tous, aujourd’hui je vais vous parler d’un cycle fantasy assez réputé puisqu’il s’agit du Lion de Macédoine par le grand David Gemmell
 

Parmenion

Mais qu’est-ce qui différencie ce cycle de tant d’autres dans le milieu de la Fantasy ? Et bien la première particularité, et pas des moindres, tient au fait que celui-ci se déroule pendant la période de l’Antiquité là où la grande majorité des œuvres Fantasy prennent place dans des univers médiévaux. Ici, nous sommes donc plongés à l’époque de la Grèce antique plus précisément pendant une période qui s’étend de la fin de la guerre du Péloponnèse jusqu’aux conquêtes d’Alexandre le grand, c’est-à-dire environ tout le 4e siècle avant J-C.
David Gemmell s’appuie donc sur une base historique pour dérouler son récit. A cette base s’ajoute du fantastique, dans lequel vont se mêler magie, créatures fantastiques, prophéties et toujours ce combat millénaire entre le bien et le mal qui cherche encore à faire pencher la balance du côté obscur.

Le héros que nous offre de suivre l’auteur, n’est autre que le célèbre Parménion. Dans la réalité historique, celui-ci fut général dans l’armée macédonienne sous Philippe II. Sous son fils, Alexandre le Grand, il joua un rôle très important en consolidant et élargissant les frontières de la Macédoine : d'abord avec le père de celui-ci face aux Péoniens et aux Illyriens, puis en combattant avec Alexandre notamment à la célèbre bataille de Gaugamèles où le grand roi perse Darius III fut vaincu. Gemmel s’inspire donc de la vie de l’homme pour ensuite s’en différencier en plusieurs points, son enfance et sa place dans l’histoire étant bien sûr romancées
Dans le roman, l’aventure commence alors que Parménion est encore enfant. Celui-ci est élève dans une caserne à Sparte, célèbre cité grecque très militarisée rompue au combat d’infanterie. Malheureusement pour lui, Parménion est un sang-mêlé, mi-macédonien, mi-spartiate et de ce fait méprisé, haï par bon nombre de ces camarades. Malgré tout, son courage, son habilité au combat et surtout sa fine maîtrise des tactiques guerrières de l’époque attire le respect de certains. 
Xénophon, ancien général athénien exilé qui apporte désormais son aide à Sparte le prend alors sous sa protection (ce personnage a vraiment existé et combattit sous les ordres d’Agésilas 2, roi à Sparte). 
 La vie du jeune homme est difficile et la haine grandit entre lui et Sparte. Après un drame que j’éviterai de dévoiler ici, Parménion se retrouve à Thèbes (autre cité grec importante de l’époque) et jure de se venger de Sparte. C’est à Thèbes qu’il rencontrera Philippe, jeune prince de Macédoine. Cette rencontre aura un retentissement sur le reste de l’aventure puisque celle-ci suit les grandes lignes de l’histoire ne l’oublions pas.

Venons-en maintenant au fantastique. Sans le savoir, Parménion est l’outil d’une lutte éternelle entre le bien et le mal. En effet une entité maléfique, l’Esprit du Chaos ou Dieu Noir cherche à s’incarner dans un homme puissant à travers lequel il aurait tout loisir d’étendre sa domination au monde. Cet homme, serait-ce Parménion ? Ou bien un autre potentiel grand conquérant ? (je suis sûr que vous avez deviné).

Hypaspiste

Je ne vous en dis pas trop et vous laisse découvrir la suite par vous-même. Sachez que si vous cherchez de la Fantasy Antique, ce cycle est fait pour vous. Vous y trouverez pèle-mêle de grandes batailles rangées de phalanges d’hoplites et de cavaliers bardés d’armures de bronzes et protégés de bouclier ronds, des créatures fantastiques de la mythologie grecque (centaures, chimères, minotaures, gorgones et autres soldats du néant), des histoires d’amours proches des tragédies grecques et un combat contre les forces du mal qui s’étend sur plusieurs décennies. Si le début de l’histoire a des airs d’aventure initiatique (ce qui permet de s’attacher à Parménion) la suite n’en est que plus épique et nous suivons avec d’autant plus d’entrain les péripéties guerrières du héros dans la lutte qu’il mène pour son salut et celui des hommes.


Hoplites

Le style est clair et fluide. Le suspense est prenant et nous invite à tourner les pages. Les références à la mythologie grecque sont constantes et les événements historiques de cette période sont respectés tout en laissant la part belle à l’imagination fertile de l’auteur. Ceux-ci nous donnent même envie d’en savoir plus. Il m’est arrivé plus d’une fois après ma lecture de chercher des informations supplémentaires sur les victoires de Parménion, les croyances antiques et ou bien les sociétés de l’époque (pour vous donner un exemple, je ne savais pas que Sparte était une dyarchie où deux rois y siégeaient ensemble). Mais ne vous inquiétez pas, celles déjà présentes remplissent aisément leurs rôle pour un simple néophyte. En conclusion, bien que l’intrigue principale ne soit pas des plus extraordinaires, le mélange Antiquité, mythologie et Fantasy plus traditionnelle joue son rôle avec une grande efficacité. A recommander pour tous les amateurs et amatrices d’aventures épiques.

Vincent

jeudi 26 février 2015

Les Mémoires de Zeus - Maurice Druon, de l'Académie Française

"Moi, Zeus, roi des dieux, dieu des rois, je vais vous conter mon histoire."

Maurice Druon (1918-2009) est l’auteur d’une cinquantaine d’ouvrages, allant du conte au roman historique. Résistant pendant la guerre, il reçoit juste après celle-ci, en 1948, le prix Goncourt pour Les Grandes Familles. Il rejoint l’Académie Française en 1966.
Les Mémoires de Zeus, rééditées par les éditions Bragelonne, réunit les deux tomes de ce dyptique ainsi qu’une préface de l’auteur. 

Synopsis :
Zeus se réveille d’un sommeil long de 2000 ans et découvre ce que nous, les Mortels, sommes devenus depuis la fin de son règne. Il constate alors que nous l’avons oublié et que nous sommes toujours aussi petits, querelleurs, orgueilleux… Zeus, roi des dieux, dieux des rois, décide alors de nous raconter son histoire, dans l’espoir de nous rendre meilleurs, en nous expliquant que la vie n’est pas plus facile pour un dieu…

Statue de Zeus
Les plus :
- Toute la mythologie grecque est couverte par le récit, sans détails négligés ou omis.
- Le premier tome, L’Aube des Dieux, est très intéressant : il comporte la description de la création du monde et de l’accession au pouvoir de Zeus.
- Certains éléments du roman tendent vers la Science-fiction et la Fantasy.
- Une très belle écriture, érudite, mais qui ne nécessite pas le recours à un dictionnaire pour être comprise.
- Le personnage principal, qui est pourtant un dieu, est finalement attachant car très humain.
- Une œuvre qui amène à réfléchir sur des thèmes extrêmement variés, sans jamais faire la morale.

Les moins :
- Sans être mauvaise, la fin du deuxième tome, Le Jour des Hommes, est un peu en-dessous du reste, surtout le passage avec Héraclès qui traîne en longueur...
- Quelques idées et arguments peuvent faire tiquer, voir même choquer le lecteur.


Zeus possède un véritable don de conteur. En écoutant son récit, nous vivons toutes les étapes de la mythologie grecque, et pas seulement les épisodes les plus importants. Maurice Druon a réalisé un travail de recherche homérique pour réunir tous ces mythes éparpillés, sans chronologie, parfois même contradictoires. On obtient un texte parsemé de rebondissements, aux intrigues multiples, qui se lit avec une facilité déconcertante.

Le mont Olympe, Grèce
En effet, il ne faut surtout pas trembler devant l’académicien. Sa prose est certes érudite, élégante, mais on est bien loin de la complexité de certains auteurs du début du XXe siècle à la recherche d'un temps perdu. On ne s’ennuie jamais vraiment, sauf, je dois l’avouer, dans l’avant-dernière partie du livre. Si le tome 1 est particulièrement passionnant, car expliquant la création du monde et les premiers temps du règne de Zeus... j’ai trouvé le tome 2 un peu moins intéressant et notamment lorsque le dieu nous narre les mythes célèbres, dont les travaux d’Hercule. Le fait de bien connaître ces péripéties m’a probablement rendu la lecture moins surprenante.

C’est avec L’Aube des Dieux (le tome 1) que le récit flirte le plus avec la science-fiction : le monde est façonné par Ouranos, le Ciel, une entité qui arrive d’un lieu reculé de l’Univers et qui, connaissant le secret du "Chiffre", peut créer la vie… Maurice Druon aborde tous les thèmes (l'existence, la mort, la guerre, la politique, l'amour, la sexualité...) à travers son récit. Il réactualise les mythes grecs pour nous faire réfléchir sur nous-mêmes, pour exposer des idées parfois très modernes (je pense notamment à sa vision extrêmement tolérante de l'homosexualité). Évidemment, on ne peut pas toujours être d'accord avec l'auteur et certaines de ses idées ont du potentiel pour choquer le lecteur : les arguments contre le monothéisme ne pourront pas être au goût de tout le monde... après tout, Zeus fait aussi parfois preuve de mauvaise foi (j'ai relevé quelques situations un brin sexistes). Cependant, que l'on soit d'accord ou non avec lui, on ne peut qu'admirer la manière dont l’auteur se sert de ces fables, de ces allégories que sont les dieux pour en tirer une morale. Ainsi, grâce au Mémoires de Zeus, Maurice Druon nous rappelle que "les mythes sont la mémoire du monde".

Quentin.

Pour les étudiants de l'IUT Quai Frissard, cet ouvrage est en prêt au Centre de Doc' !

jeudi 19 février 2015

American Gods (2001) - Neil Gaiman

Résumé :
États-Unis, années 1990. Ombre est ce que l'on pourrait appeler « un poissard de première » : orphelin, il était néanmoins parvenu à s'aménager une petite vie tranquille avec sa femme Laura ainsi que son associé et ami... jusqu'à ce qu'il passe trois ans en prison pour une erreur stupide. A son retour, il apprend que non seulement ceux-ci sont morts dans le même accident de voiture, mais qu'en sus ils avaient une aventure.
Au fond du trou, sans emploi, ami, ni famille, il va croiser la route d'un vieil homme répondant au nom de Voyageur qui va l'embaucher en tant que garde du corps et surtout l'embarquer pour un voyage dans les tréfonds de l'Amérique. Une épopée épique qui va les amener à rencontrer toutes les composantes de la spiritualité outre-Atlantique aussi bien passée que présente, et surtout à participer à la plus grande bataille divine que le monde ait connu. Oui, rien que ça.
Vous me permettrez de passer outre toutes les circonvolutions de l'intrigue, mais attendez-vous néanmoins à de nombreux rebondissements et à une conclusion aussi épique qu'une saga nordique.

Critique : 
Neil Gaiman, Avril 2013
L’œuvre de Neil Gaiman, primée à quatre reprises en 2002 (Prix Hugo, Prix Nebula, Prix Locus, Bram Stocker Award) peut se lire à deux niveaux. D'une part, elle peut être considérée comme un roman picaresque, voire une version littéraire d'un « road movie » : le lecteur suit les pérégrinations de deux personnages qui traversent les États-Unis, rencontrent des protagonistes hauts en couleurs tout en apprenant à se connaître et en évoluant en tant qu'individus.

D'autre part, nous avons le cœur de ce qui constitue le cœur de l'intrigue, à savoir la plongée dans les croyances américaines ainsi que leur confrontation.
En effet, le postulat de ce roman est que si les dieux ont commencé à exister à partir du moment où un individu a commencé à croire en eux, il n'y a aucune raison de penser qu'ils ont cessé de le faire au moment où d'autres croyances ont commencé à les supplanter. Tout aussi important, il établit que lors des vagues de colonisation et d'immigration successives en Amérique du Nord, les dieux (ou leurs équivalents) ont été forcés de suivre leur fidèles sur cette terre étrangère où ils ont progressivement perdus leur force à force que la foi dont ils se nourrissaient s'étiolait. Pas au point de les faire disparaître, parce que cela impliquerait que le monde aurait perdu jusqu'au souvenir de leur existence, mais les forçant à adopter une forme physique en permanence et les dotant de besoins physiologiques comme la faim.
Ainsi, Ombre croisera un leprechaun (espèce de lutin roux d'origine irlandaise) à taille humaine et S.D.F, le dieu slave Czernobog qui est employé dans un abattoir, Compé Anansi (dieu important du folklore d'Afrique de l'Ouest et des Caraïbes), Wisakedjak (divinité tutélaire amérindienne) qui travaille au mont Rushmore... la liste est longue et il serait vraiment trop long d'en faire un bilan exhaustif ici, d'autant plus que nous nous rendons vite compte que la croyance moderne s'est cristallisée dans des supports à la fois originaux et prévisibles. Les antiques sont ainsi confrontés aux dieux de l'internet, des autoroutes, de l'argent, d'Hollywood, voire du Monde dans une guerre froide qui ne va pas tarder à se réchauffer.

Une autre richesse de American Gods réside dans la façon très réaliste dont est écrite l'intrigue. Si le fantastique est par définition présent, on n'assistera à proprement parler à aucun miracle ou acte magique important... et si cela advient, on nous présentera toujours cela sous l'angle de l'hallucination possible : a-t-on vraiment vu tel personnage se transformer ? Ombre a-t-il rêvé tout cela ? Certains passages peuvent être extrêmement crus (on compte au moins deux scènes de sexe et une de mise à mort sanglante), mais n'est-ce pas le propre des récits mettant en scène des dieux depuis l'Antiquité ? Bref, nous pouvons dire qu'il s'agit du principe de la tragédie grecque remise au goût du jour, le côté épique étant apposé par petites touches jusqu'au dénouement.

Représentation du dieu Thôt
A titre d'exemple, voir messieurs Iblis (qui ne cache pas le fait qu'il soit Thôt, le dieu égyptien à tête d'ibis de la connaissance) et Chaquel (interprétation d'Anubis, dieu égyptien des embaumements à tête de chacal) tenir avec le plus grand sérieux une petite entreprise de pompes funèbres dans la petite ville d'Alexandria a quelque chose... comment dire ? D'à la fois ironique et triste, puisque symbolique d'une époque où tout change mais où des valeurs et des croyances fondamentales demeurent. Non pas perverties, mais influencées par le passage des ans et le melting-pot des cultures américaines qui ont déferlé par vagues sur ce continent.

Le choix de Neil Gaiman de ne pas vraiment s'attarder sur la mythologie attachée à tel ou tel personnage semble être l'écho de ce constat : les dieux ont été interprétés physiquement et spirituellement de multiples façons, et c'est généralement au lecteur de déterminer qui est qui via les indices qu'il récolte puis de se renseigner par lui-même pour comprendre son tempérament... ou de ne pas le faire et de se laisser porter par le récit, ce qui est tout aussi pertinent.

Au final, que rajouter à tout cela sinon que je vous conseille vivement la lecture de cet ouvrage dont la narration fluide et les multiples références aussi bien spirituelles qu'artistiques susciteront je le pense un écho chez vous. Le tout est de ne pas se laisser impressionner par l'épaisseur du livre.
Nul doute que vous y trouverez votre Carthage.

Félix

jeudi 12 février 2015

Zeus, coach en séduction.

Pour la Saint Valentin, nous vous avons préparé un article spécial... Chacun de nous vous propose une des "histoires d'Amour" de Zeus (liste non exhaustive, il y en a bien plus). 
Chroniques des Panthéons vous prévient, suivre les méthodes du dieu des dieux n'est peut-être pas conseillé...

 

Mnémosyne

Elle est la fille de Gaia et d'Ouranos, deux divinités primordiales dans la mythologie grecque. Gaia est l'ancêtre maternel des races divines. Ouranos, par ailleurs fils de Gaia, est aussi un de ses époux. Il personnifie le ciel et la vie.

De leur union naquirent bien des êtres divins (titans, cyclopes…). Mnémosyne est une titanide. Elle est la déification de la mémoire. Elle passe pour avoir inventé les mots et le langage, donnant un nom à chaque chose et nous offrant ainsi la possibilité de nous exprimer. Zeus, maître de l’olympe est séduit par son charme. Par un de ses malicieux artifices, il se changera en berger (la rusticité plaît aux femmes, c’est bien connu) pour conquérir le cœur de la belle. Ainsi, pendant neuf nuits d’affilée, nos deux amoureux s’envoyèrent aux cieux comme seuls les dieux savent le faire. Par la suite elle accouche de neuf filles : les Muses (en cas de problèmes de fertilité, appelez Zeus ou Mnémosyne).

Chacune de ces muses correspondait à un domaine de la connaissance. La littérature avec Erato et Calliope, respectivement pour la poésie légère et épique. Le théâtre avec Melpomène et Thalie, la tragédie et la comédie. La musique avec Euterpe. Le chant avec Polymnie. La danse avec Terpsichore. Et enfin l’histoire et les sciences avec Clio et Uranie. 
Vincent.


Athéna jaillissant du crâne de Zeus
Métis
Parlons un peu de la première conquête de Zeus : Métis, la déesse de la Ruse. Il la convoite depuis un bon moment, mais elle ne cesse de se métamorphoser pour lui échapper. Et elle a bien raison de s'enfuir... Mais il parvient tout de même à la conquérir et elle tombe enceinte très vite. Pour le moment, tout va bien. Jusqu'au jour où un oracle prédit que son deuxième enfant détrônera Zeus...Que faire devant une telle menace ? L'enfermer ? Non, trop facile...La tuer ? Non, trop cruel... La manger et s'approprier ses qualités ? Non, il ne va pas oser... Et pourtant si ! Il va piéger Métis en lui demandant de se transformer en diverses choses, notamment en goutte d'eau. Et il l'avalera... 

Mais il reste un petit problème : Métis n'a pas accouché... soudainement Zeus est pris d'un violent mal de tête et Athéna, la déesse de la sagesse et de la guerre jailli du crâne de son père tout en armure et munie des vertus de sa mère.
Mélanie.

 

Ganymède

Si vous pensiez être à l'abri des faveurs de Zeus, messieurs, lisez donc ce qui suit.
Ce jour-là, le Roi des dieux se prélassait sur un nuage lorsqu'il se pencha vers sa grand-mère, la Terre, pour observer les Hommes. Son divin regard se posa sur Ganymède, le fils du Roi Tros. Étendu au milieu d'une prairie, entouré par son troupeau de moutons, le jeune homme dormait paisiblement. A la vue du le plus beau des mortels, ce fut pour Zeus un véritable coup de foudre. Au sens figuré (Ganymède ne finit pas carbonisé). Le dieu pris alors l'apparence d'un aigle majestueux qui fondit sur le prince et l'enleva.
Une fois sur l'Olympe, Zeus en fit son échanson : Ganymède, le Verseau, lui sert désormais à boire (et plus si affinités), à la place de sa fille Hébé, déesse de la Jeunesse. Malgré la colère et la jalousie de sa mère Héra, Hébé, quant à elle, apprécia que son père assume enfin sa bisexualité.
Quentin.

Callisto
Voici l'histoire de Callisto, une nymphe prêtresse d'Artémis (fille de Zeus et déesse de la chasse et de la nature), à qui la jolie damoiselle avait juré fidélité et une chasteté éternelle. Sauf que Zeus, en apercevant Callisto depuis son nuage, en tomba éperdument amoureux. Mais pour passer outre la promesse de virginité de la jeune fille, le dieu des dieux choisit de prendre une autre apparence. Celle... d'Artémis.
Toujours est-il que Callisto se laissa duper. Manque de chance, elle tomba enceinte au passage. Lorsqu'elle s'en rendit compte, Artémis (la vraie, cette fois), entra dans une rage folle et menaça la pauvre nymphe de la transformer en cible mobile si elle ne se carapatait pas dans la seconde. Comme si ça ne suffisait pas, Héra, la femme de Zeus, agacée par cette énième escapade nocturne de son mari, transforma la nymphette en ourse, la condamnant à se cacher dans les montagnes.

Quelques temps plus tard, Artémis (extrêmement rancunière), retrouva l'ourse, et la tua d'une flèche. Zeus, se sentant responsable (ça devait être la première fois qu'il éprouvait des remords...), récupéra Callisto, et la mit dans les étoiles, faisant d'elle la constellation de la Grande Ourse. Leur enfant, quant à lui, la rejoindra plus tard pour devenir la Petite Ourse.
Albin.

L'Enlèvement d'Europe,
D. Vélasquez
Europe
L’Europe... son étymologie divise les chercheurs mais une des origines probables de ce nom remonte aux grecs de l'Antiquité et à un mythe : celui de la liaison entre Europe et Zeus. Une fois n'est pas coutume, Zeus fut attiré par une phénicienne nommée Europe dont la beauté était sans pareille. Afin de se cacher de sa femme Héra et d'approcher subtilement la jeune fille, Zeus prit l'apparence d'un magnifique taureau blanc. A l'approche du majestueux animal, Europe fut tout d'abord effrayée mais, rapidement séduite, elle accepta de monter sur son dos. Zeus l'enleva et l'amena, à la nage, jusque sur l’île de Crète où il la viola.


De cette étreinte forcée naquirent trois enfants dont Minos, le futur roi de Crète et instigateur du célèbre labyrinthe.
Damien.

Alcmène
Chers lecteurs, poursuivons notre tour d'horizon des conquêtes du plus prolifique de tous les dieux greco-romains avec l'affaire Alcmène. D'après la légende, celle-ci était dite fille d'Electryon (descendant de Persée ainsi que d'Andromène, et accessoirement roi de Mycènes) et épouse du roi Amphitryon de Tirynthe. Il est dit également qu'elle fut séduite par le maître de l'Olympe qui avait pris l'apparence de son mari alors que celui-ci était en campagne militaire, et qu'en amant insatiable il avait même ordonné au dieu du soleil Helios de ne pas se lever durant trois jours. Mais l'histoire ne s'arrête pas là ! De retour de guerre, le véritable Amphitryon ne s'aperçoit pas de la supercherie et honore à son tour sa femme, la rendant enceinte d'un certain Iphiclès.

Il en résulte que la reine finit par accoucher de deux enfants : l'héritier légitime en premier parce que  la déesse Héra aurait retenu suffisamment longtemps les déesses de l'accouchement, les Illithyes. Et devinez qui est le bâtard à l'illustre ascendance ? Un certain Hercule, qui héritera, en sus d'un destin aussi prodigieux que tragique, du goût pour les femmes de son paternel. Mais ceci est une autre histoire…
Félix.

 


Danaé, G. Klimt
Danaé 
Elle est la fille d’Acrisios, le roi d’Argos. Un oracle ayant prédit à ce dernier que son petit-fils le tuerait, il boucla sa fille dans une tour de bronze scellée par des portes d’airain gardées par des chiens féroces. Cependant, de telles précautions n’étaient pas suffisantes pour empêcher Zeus de parvenir à ses fins. Ainsi, le dieu rendit visite à Danaé sous forme d’une pluie d’or et la rendra mère de Persée. Acrisios apprit le méfait et ne voulut pas croire que le père était Zeus mais Proetos, son propre frère. Se refusant à tuer sa fille, le roi l’enferma avec son petit-fils dans un coffre en bois qu’il lança à la mer. Celui-ci flotta jusqu’à l’île de Sériphe et les deux survivants firent recueillis par Dictys, un pêcheur. Il les amena à son frère le roi Polydecte. Le souverain éleva le garçon et voulu épouser Danaé qui refusa.

C’est l'une des raisons pour lesquelles Persée partit combattre Méduse : Polydecte ne voulait plus qu’il soit un obstacle de plus à son union et l’envoya en espérant bien qu'il y laisserait sa peau.
Fiona.

Io
Io, prêtresse au temple d'Héra, est un jour remarquée par le puissant Zeus, dont elle devient rapidement la maîtresse. Le dieu la rencontre lors de nombreux rendez-vous en prenant la forme, pour plus de discrétion, d’un nuage. Mais cela ne suffit pas à tromper la vigilance d'Héra, qui surprend les deux amants. Afin de la sauver de la colère de sa femme, Zeus changea Io en génisse blanche. Toujours à l’affût, Héra, qui est loin d'être dupe, demanda la vache en présent. Zeus continuera à rendre visite à Io en cachette, en se changeant en taureau. Afin de contrer une nouvelle fois son époux, Héra confia la génisse au géant Argos « celui qui voit tout », géant aux 100 yeux, dont 50 sont aux aguets tandis que les 50 autres dorment.
Zeus chargera alors son fils Hermès de tuer le géant. Après l'avoir endormi grâce à une longue histoire et le son de sa harpe, Hermès coupa la tête du géant dont Héra récupérera les yeux pour en parer la queue de son animal fétiche : le paon.

Héra envoie alors sur Io un taon qui la pique sans relâche, la forçant à s'enfuir. 
Durant cette fuite, elle rencontrera Prométhée, enchaîné sur le mont Caucase, qui lui révélera qu'elle deviendra l’ancêtre d'Hercule. 

Charlène.

Joyeuse Saint Valentin à tous !

jeudi 5 février 2015

Princesse Mononoké - Hayao Miyazaki

Le 16 février 2015, Chroniques des Panthéons vous attend au cinéma Le Studio à 20h, pour une projection exceptionnelle de Princesse Mononoké.

Miyazaki a su marquer l'univers du film d'animation dans le monde entier, avec ses œuvres emplies d'imaginaire et de créatures fantastiques. En gardant un dessin traditionnel du début à la fin de sa carrière, il nous a immergé dans ses mondes merveilleux. Pour l'ensemble de sa carrière, il a dernièrement obtenu un Oscar d'honneur.

Princesse Mononoké est un film épique et éblouissant, ayant reçu un succès à la hauteur du travail demandé. En effet, sa réalisation a nécessité presque trois ans. La musique est signée de Joe Hisaishi et accompagne à merveille ce chef-d’œuvre de l'animation japonaise.

Bien que le titre soit dédié à la Princesse, le film conte l'histoire d'Ashitaka, un jeune prince du peuple Emishi, chose rare dans les films de Miyazaki car d'ordinaire le rôle principal est attribué à une femme. Victime d'une malédiction mortelle, formant des marques étranges sur son bras et le dévorant peu à peu, il est ainsi forcé de quitter son village pour trouver un remède. Dans sa quête, il se retrouve au milieu d'une guerre sans merci opposant les humains et les dieux de la forêt.

Historiquement, le récit se déroulerait dans le moyen-âge japonais, c'est à dire l'ère Muromashi, une période connue pour ses nombreux conflits et ses mutations sociales, politiques et technologiques. Symboliquement, le film raconte un conflit entre la nature et la civilisation en pleine évolution à cette époque. Du côté de la nature, on a San, la "Princesse Mononoké", qui s'oppose à Dame Eboshi, chef du clan des forgerons voulant détruire la forêt et ses habitants.

Ère Muromashi  
Loin d'être manichéen, le film ne présente pas de "méchant". Chaque personnage poursuit un but qui lui est propre et légitime. Les liens entre les personnages, leurs conflits et leurs évolutions construisent le récit. La Princesse Mononoké ("chose étrange", "monstre" en Japonais) est la représentante de la nature. Rien que par son nom, elle est qualifiée de non humaine. Elle vit dans la forêt parmi les animaux (elle peut même leur parler) et défend ainsi son territoire contre l'invasion humaine. Luttant contre le progrès de la civilisation, elle est aussi vue comme une rebelle contre l'espèce humaine.

Dame Eboshi, quant à elle, symbolise de la civilisation. Pouvant être considérée comme une "méchante" puisqu'elle déboise la forêt pour nourrir le feu de ses forges, ses actions sont cependant motivées par le progrès et l'indépendance de l'homme avec la nature. Ainsi, elle veut se débarrasser du Dieu-Cerf, dieu de la forêt. De plus, elle fait preuve de nobles intentions en accueillant dans sa forteresse des lépreux, des prostituées...

On retrouve deux thèmes importants dans ce film : la Nature et la religion Shintoïste. Comme dans Nausicaä et Mon voisin Totoro, Miyazaki nous adresse un message écologique. L'homme n'est pas mauvais et c'est à travers Ashitaka, que l'on comprends les objectifs des deux camps, chacun soutenu par de bons arguments. La Nature est elle aussi représentée comme cruelle et sévère par Miyazaki.
Kami
Dans la mythologie japonaise, les esprits et les dieux se trouvent dans la nature. Miyazaki est shintoïste et croit donc à la présence des esprits, ou plus exactement de Kami, dans le moindre recoin de nature (montagne, cascade, forêt, etc.). Dans Princesse Mononoké, les animaux sont les kamis : splendides mais aussi cruels, ils représentent la nature.

Les Kamis peuvent être maudits, par ce qu'on appelle le Tatari ("malédiction"), dû au Tsumi ("la faute"). Pour les shintoïstes, dans un sens ancien, on peut être contaminé par le contact du sang ou d'un cadavre. Aujourd'hui, le Tatari a un sens plus moral : la souillure de l'âme par la péché. Dans le film, cette malédiction se compose de gros vers grouillant sur le corps du Tatari. Plusieurs personnages en souffrent, comme Nago, le Dieu Sanglier, au début du film, qui est à 'origine de la contamination d'Ashitaka. La purification est l'unique moyen de s'en débarrasser. Dans le film, San exécute le rite du Tamagushi (rite shintô) pour tenter de sauver Ashitaka. Cela consiste à plante une branche de Sakaki au sol pour attirer les faveurs des Kamis.

Kodama
Les Kodamas ("esprit de l'arbre") sont aussi présents. Il s'agit d'esprit vivant dans les arbres qui vont aider notre héros dans sa quête. D'après la légende, l'écho dans la montagne serait crée par ces esprits. Miyazaki les représente comme des petits êtres tout blanc et très mystérieux.

Les loups qui accompagnent San seraient aussi en lien avec la mythologie japonaise. Ils ressemblent aux Karashishi, des chiens-loups qui gardent les temples et se tiennent près des Torii (portail traditionnel japonais de temple shintoïste, séparant le lieu sacrée du lieu profane).
Enfin, la dernière représentation mythologique est celle du Shishi Gami, le Dieu Cerf, le Dieu de la forêt et de la vie et de la mort. C'est un personnage important car il symbolise la nature, voir même l'équilibre naturel de la vie. Dans le shintoïsme, il est la monture des dieux et est un symbole divin, avec ses représentations dans les Kakemonos.

Miyazaki veut que nous reprenons conscience que la nature est un élément essentiel de nos vies, et qu'elle peut être à la fois magnifique et terrifiante. La Nature peut abriter des êtres bienveillants mais aussi des monstres. Il faut accepter l'environnement et vivre en harmonie avec, selon Miyazaki.

Princesse Mononoké est un film remarquable, avec un ton plus grave que d'autres de ces films qui peuvent être plus léger. On plonge dans une ambiance plus pesante, accompagnée d'une richesse historique et mythologique. Teinté de quelques scènes assez violentes, le film peut choquer les plus jeunes. De toutes ses œuvres, il s'agit de la plus complexe et et la plus tragique, et l'une des plus réussies de sa carrière.

Et surtout, si vous voulez voir ou revoir Princesse Mononoké, rendez vous au cinéma Le Studio (Le Havre) le 16 Février 2015 à 20h !

Mélanie.