jeudi 29 janvier 2015

Orfeu Negro - Marcel Camus

Réalisateur : Marcel Camus
Acteurs : Breno Mello, Lourdes de Oliveira, Marpessa Dawn
Genre : Drame musical, romance
Nationalité : Française, Brésilienne
Année de sortie : 1959
    Durée : 1h45mn

Palme d'or au festival de Cannes en 1959 et Oscar du meilleur film en langue étrangère l'année suivante, Orfeu Negro est une adaptation de la pièce de théâtre Orfeu da Conceição de Vinícius de Moraes, musicien et poète brésilien. Sa réalisation fut alors confiée à Marcel Camus, « jeune » cinéaste français qui signe là son deuxième film après Mort en fraude (1957).

Orfeu Negro revisite le mythe grec d'Orphée en le transposant dans les favelas de Rio de Janeiro en plein préparatifs du célèbre carnaval. L'intrigue débute par l'arrivée d'Eurydice, jeune fille débarquée de la campagne pour retrouver sa cousine, dans cette grosse métropole qu'est Rio. Elle y rencontre un jeune chauffeur de tramway, Orfeo, dont les qualités de danseur et de guitariste ne sont plus à prouver. Dès lors, l'amour naîtra entre ces deux jeunes gens ; un amour qui connaîtra néanmoins une fin brutale avec la mort d'Eurydice. Ne se remettant pas de la perte de son âme-sœur, Orfeo n'aura de cesse de la rechercher...

Avant de se lancer dans une brève analyse comparative entre la version antique et le scénario de ce film, un rapide rappel du mythe originel s'impose.
Orphée, fils du roi de Thrace et d'une Muse, était un célèbre poète et musicien. La force de sa musique était telle que les arbres et les rochers, charmés, se déplaçaient pour le suivre. 


A son retour d'un voyage avec les argonautes de Jason, Orphée épousa la dryade (nymphe des forêt) Eurydice. Le jour de leurs noces, poursuivie par Aristée qui tentait de la violer, Eurydice marcha sur un serpent qui la mordit, entraînant ainsi sa mort. Effondré, Orphée descendit la chercher aux Enfers. Grâce à ses talents de musicien et à sa lyre, il charma le passeur Charon, le chien Cerbère et les trois Juges des Morts. Touché également par sa musique, Hadès accepta qu'Eurydice remonte dans le monde des vivants. Le dieu des Enfers imposa sa seule condition : qu'Orphée ne se retourne pas jusqu'à ce qu'elle soit revenue sous la lumière du soleil. A la vue de la lumière du jour indiquant la proximité de la sortie, Orphée se retourna afin de vérifier que son amour le suivait... Il la perdit alors pour toujours.





Orfeu Negro s'inspire bien évidemment en grande partie de ce mythe puisqu'il en suit les grandes lignes mais afin de le rendre plus contemporain, le cinéaste s'est accordé plusieurs libertés.
En plus d'être noir et brésilien, l'Orfeo de Camus se distingue de son double grec par sa condition sociale. Il n'est pas roi mais conducteur de tramway et habite dans un favela. La transposition du mythe au monde actuel passe par une suppression des aspects fantastiques et extraordinaires issus de la mythologie grecque. Pas de dieux ou d'éléments surnaturels ici mais seulement une adaptation plus réaliste du mythe quoique non dénué d'une touche onirique sur certains passages notamment lorsque Orfeo recherche son aimée.
Si Marcel Camus s'est défendu d'avoir opéré une simple transcription du mythe pour son film, les références y sont toutefois nombreuses.

Le guitariste brésilien ne peut faire bouger les rochers et les arbres par la force de sa musique mais il réussit néanmoins à faire lever le soleil grâce à quelques accords de guitare. Facile si l'on choisit bien son heure.
Tout au long du film, Eurydice est poursuivie par un homme masqué, tout de noir vêtu, personnifiant à la fois la Mort mais aussi Aristée et le serpent du mythe originel. C'est cet homme qui provoquera la mort de la jeune femme.
Afin de communiquer avec l'au-delà, Orfeo est invité à participer à un rituel vaudou. Le lieu dans lequel se déroule l’événement est gardé par un chien nommé... Cerbère.

Le dieu Hermès prête aussi son nom à un personnage du film. Ce dernier est comme son homonyme une sorte de messager qui va guider et aider les deux amoureux durant leurs aventures.

Dans Orfeu Negro, les Enfers grecs sont représentés par un bâtiment administratif : le bureau des disparus. Cet établissement est sombre, labyrinthique et doté d'un escalier au nombre de marches infinis s'enfonçant dans les profondeurs de la terre. Un balayeur illettré, figure du passeur Charon, le guidera à travers ce dédale.

Les scénaristes ont complexifié l'histoire d'amour en ajoutant une nouvelle femme, Mira, la fiancée d'Orfeo avant que ce dernier rencontre Eurydice. De facto, Mira deviendra extrêmement jalouse d'Eurydice. Cette jalousie provoquera indirectement la mort d'Eurydice et directement celle d'Orphée puisque, portant le cadavre de son aimée sur le bord d'une falaise, il recevra une pierre jetée par Mira et chutera dans le vide. Ce dénouement final accentue le coté tragique de l'intrigue en lui donnant même des accents shakespeariens.

Le mythe d'Orphée à connu d'autres adaptations cinématographiques. Par exemple, avant Orfeu Negro, Jean Cocteau s'était déjà essayé à une transposition moderne et originale de ce récit légendaire avec Orphée (1950) et ensuite Le testament d'Orphée (1959). Cet amour tragique d'Orphée et Eurydice inspirera d'ailleurs de nombreux artistes dans divers domaines (opéra, théâtre, littérature, musique,...), de l'Antiquité à aujourd'hui.


Damien

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